La Querelle du Cid est un épisode mémorable de l’histoire littéraire française, ayant profondément marqué le XVIIe siècle. Cette querelle s’est déroulée autour d’une pièce de théâtre écrite par Pierre Corneille, intitulée « Le Cid ». La pièce a suscité de vifs débats entre les critiques et les écrivains de l’époque, remettant en question les règles de la dramaturgie classique. L’Académie Française, instituée quelques années plus tard, devra alors se pencher sur cette polémique pour tenter d’y mettre un terme.
Origines de la Querelle du Cid
Le point de départ de la querelle est la création de la pièce « Le Cid », qui fut représentée pour la première fois en janvier 1637 au Théâtre du Marais, à Paris. Cette pièce raconte l’histoire de Rodrigue, un chevalier espagnol surnommé « le Cid », qui doit choisir entre son amour pour Chimène et son devoir envers son père. Les spectateurs sont rapidement conquis, et la pièce connaît un immense succès auprès du public parisien.
Cependant, cet engouement ne fait pas l’unanimité chez les critiques littéraires de l’époque. Certains reprochent à Corneille d’avoir pris trop de libertés avec les règles de la dramaturgie classique, notamment en ce qui concerne les unités de temps, de lieu et d’action. D’autres lui reprochent d’avoir mis en scène un héros trop ambigu, dont les motivations ne sont pas toujours claires.
Acteurs principaux de la querelle
Les principales figures de cette querelle sont d’une part Pierre Corneille, auteur du Cid, et d’autre part les critiques littéraires qui s’opposent à lui. Parmi ces derniers, on peut citer le cardinal Richelieu, protecteur des arts et des lettres, ainsi que Jean Mairet, un dramaturge rival de Corneille. Le débat prend rapidement une tournure passionnée, chacun défendant ses positions avec véhémence.
Position de Pierre Corneille
Pierre Corneille se défend en faisant valoir que son œuvre est avant tout une tragédie, et non pas une comédie comme l’affirment ses détracteurs. Il estime donc que certaines règles peuvent être assouplies pour mieux servir les beautés de son histoire et les émotions qu’elle suscite chez le spectateur. Il refuse également de sacrifier la complexité de son personnage principal, Rodrigue, sur l’autel de la bienséance et de la vraisemblance.
Position des critiques littéraires
Les critiques littéraires opposés à Corneille réclament quant à eux un strict respect des règles de la dramaturgie classique, considérées comme garantes du bon goût et du génie français. Ils estiment que les libertés prises par Corneille dénaturent la beauté de l’œuvre et contribuent à affaiblir le message moral qu’elle véhicule. Ils n’hésitent pas à taxer « Le Cid » d’immoralité, en raison notamment des dilemmes auxquels est confronté Rodrigue.
L’intervention de l’Académie Française
Devant l’ampleur de la polémique, Richelieu décide en 1642 de solliciter l’avis de l’Académie Française, qui vient d’être fondée. Les académiciens sont alors chargés d’examiner la pièce et de trancher le débat entre ses partisans et ses détracteurs. Après plusieurs mois de réflexion, ils rendent leur verdict dans un document intitulé « Sentiments de l’Académie sur Le Cid ».
Jugement de l’Académie
Dans ses Sentiments, l’Académie reconnaît que la pièce présente de nombreuses qualités littéraires, y compris certaines innovations intéressantes. Toutefois, elle déplore également les écarts commis par Corneille par rapport aux règles classiques, et lui reproche notamment de ne pas avoir respecté l’unité d’action. L’Académie recommande donc à l’auteur de revoir sa copie pour se conformer davantage aux exigences du théâtre classique.
Conséquences de la Querelle du Cid
Si la querelle du Cid a finalement pris fin avec l’intervention de l’Académie Française, elle a néanmoins laissé des traces durables dans le paysage littéraire français. D’une part, elle a contribué à imposer les règles du théâtre classique comme normes incontournables pour les dramaturges de l’époque. D’autre part, elle a permis de mettre en lumière des questions essentielles sur la nature et la fonction du théâtre, qui continuent d’alimenter les débats entre les spécialistes jusqu’à aujourd’hui.
En outre, la querelle du Cid a également eu un impact sur la carrière de Pierre Corneille. Frustré par les critiques dont il a fait l’objet, l’auteur s’est éloigné quelque temps du théâtre pour se consacrer à d’autres projets littéraires. Toutefois, il reviendra finalement au devant de la scène en 1647 avec la pièce « Polyeucte », qui connaîtra un succès aussi retentissant que « Le Cid ».